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KIRUNA

Quelle identité pour une ville

en mouvement ?
L’identité et sa dimension spatiale

Le cadre théorique utilisé dans la présente étude de cas repose sur une sélection de textes touchant au rapport identité-espace sous différentes formes, depuis l’individu jusqu’au territoire où elle prend forme concrète. Elle permettra de poser un regard critique sur les transformations identitaires qui accompagneront la transformation de Kiruna.

 

L’identité comme concept général

L’identité constitue un vaste sujet d’étude, « à l’intersection active des dynamiques majeures produites par les individus et par les groupes dans leurs rapports tant sociaux que spatiaux » (Di Méo, 2008). Elle revêt un caractère universel et intrinsèque à la condition humaine. L’intérêt porté durant les dernières décennies à la question de l’identification identitaire, c’est-à-dire « les processus sociaux de production » dudit sentiment a conduit à une meilleure compréhension du phénomène.

 

À l’échelle de l’individu

Paul Ricoeur (1990) distingue deux composantes de l’identité pour l’individu : 

« l’identité-mêmité » de Paul Ricoeur (1990) ; des dispositions profondes, stables et durables d’un être ne pouvant échapper à la continuité et à la permanence de sa personne. (Di Méo, 2008) En d’autres mots, ce sont les caractéristiques fondamentales d’un être qui l’accompagneront tout au long de sa vie. Si on étend cette idée à un espace, on pourrait en cerner ainsi les caractéristiques uniques, matérielles et concrètes le définissant.

 

L’autre forme serait plus libre et correspondrait au rapport identitaire à soi-même : « l’identité-ipséité », ou encore le « quant à soi » de François Dubet (1994) ; la relation qu’un individu entretien avec soi-même, sa façon se considérer. 

 

Malgré sa reconstruction en 1912, le Campanile di San Marco demeure un symbole irremplaçable de Venise.

Didier Morin-Laprise, 2015

De l’individu au groupe

Considérant l’échelle collective, Lipiansky (1992) évoque un processus identitaire basé sur les mêmes modalités de production que l’identité personnelle. « Toute identité personnelle s’exprime par des appartenances à des groupes, par le croisement d’identités collectives » (Di Méo, 2008). D’une part, on considère que l’identité collective s’articule par « une sorte de projection des attributs généraux de l’individu sur le groupe ou sur les lieux auxquels il s’identifie ». (Di Méo, 2008). La somme d’individus forme la collectivité, il apparaît donc logique que la somme de caractères, de valeurs et de représentations individuelles forme de façon synthétique l’identité collective. « Ces univers se caractérisent par la communauté de valeurs et de traits culturels, d’objectifs et d’enjeux sociaux, fréquemment aussi par celle d’une même langue et d’une même histoire ». (Di Méo, 2008)

 

D’une autre part, l’identité se façonne « par le haut » et se projète sur les individus.  Également, « la promotion économique, relayée par le pouvoir politique puis par le discours culturel, contribue à forger une idéologie territoriale identitaire » (Di Méo, 2008, p.7). Il n’y a qu’à penser à l’imposition d’idéologie sur la masse faite sous différents régimes autoritaires, aux campagnes de publicité comme de propagande. 

 

S’établit ainsi un schéma d’inter-influence entre les identités individuelles et collectives à plusieurs échelles. « L’individu n’est pas esclave de la société. Il constitue la société aussi véritablement que la société constitue l’individu » (Mead, 1936, p.70). Les échanges se modulent ainsi de façon diverse, svuiant une échelle d’influences qu’on pourrait graduer comme allant de l’unique à l’universel.

Par les auteurs (2015)

La place Tahrir du Caire, en Égypte, a été marqué par les soulèvements populaires qui y ont eu lieu en 2011.

franceinfo.fr

L'ancienne gare de Kiruna a vu arriver les premiers mineurs il y a plus d'un siècle et est ancrée dans la mémoire collective des habitants.

jarnvag.net

Un objet bâti prend forme à partir de son contexte; il est le produit d'une aire culturelle, écnomique et environnementale (Spigai 1989)

lepailleur.com

L'église de Kiruna a exercé une influence sur l'aspect de bâtiments construits plus tard et sa couleur est devenue emblématique pour la ville.

wikimedia.org

 

Par les auteurs (2015)

Les lieux sont les dépositaires des expériences que nous y avons vécues et acquierent le sens qu'on leur donne.

uqam.ca

Dimension géographique des identités

 

Spatialité pour l’identité individuelle

Le constat fait plus tôt : l’identité est le fruit « d’une construction permanente et collective, largement inconsciente bien que de nature politique et idéologique » (Di Méo, 2008). C’est dans ce processus de construction que la dimension spatiale prend toute son importance. 

 

Di Méo prétend « que les identités individuelles et collectives, fruits d’élaborations sociales et culturelles, s’avèrent d’autant plus solides qu’elles transitent par le langage matériel de l’espace, de ses lieux et de ses territoires, y compris dans leurs formes virtuelles ». (Di Méo, 2008)

 

Des études de géographie sociale ont permis de cerner l’importances de trois notions spatiales pour l’identité de l’individu : l’espace de vie, qui comprend les espaces attribués aux déplacements réguliers, les espaces fréquemment parcourus ), l’espace vécu ( espaces habités, des pratiques, du quotidien ) et de territorialité ( regroupant les dimensions plus larges du vécu territorial de l’individu). « Ce qui compte pour l’individu, ce sont les relations tissées entre ces lieux, le sens qu’ils prennent pour lui, les uns par rapport aux autres ». D’une certaine façon, les lieux deviennent des dépositaires de vécu, de souvenir, de mémoire et de valeurs. (Di Méo, 2008)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Par les auteurs (2015)

Identité collective - mémoire, pratiques et bâti

La mémoire collective est un point clef de l’identité. « Il n’est point de mémoire collective qui ne se déroule dans un cadre spatial » écrivait Maurice Halbwachs. «Le lieu occupé par un groupe n'est pas comme un tableau noir sur lequel on écrit puis on efface des chiffres et des figures. […] [Il] a reçu l'empreinte du groupe, et réciproquement ». 

 

Christine Chivallon (2004) a démontré à quel point l’espace « est porteur d’un langage capable de véhiculer la mémoire collective et de donner forme à l’identité ». Le territoire et ses lieux appartiennent au monde physique, s’identifient, se cartographient. « Les référents spatiaux sont pour l’identité collective l’équivalent du corps pour l’identité individuelle. » D’un autre côté, les gens sont attachés aux endroits qui facilitent les relations sociales et l’identité collective. (Kaymaz, 2014, en réf. à Scanner et Gifford, 2010) Ces lieux emblématiques, porteurs de mémoire et de sens pour les individus sont des éléments qu’il importe de garder vivants et de conserver.

 

La ville - dépositaire identitaire

Enfin, Kevin Lynch (1960) attribue l’image de la ville à 5 d’éléments : voies, limites, quartiers, noeuds et points de repère. Ces éléments, fruits d’études sur la représentation mentale du paysage urbain chez ses habitants, sont autant de points d’ancrage constituant les assises tangibles de l’identité urbaine. Le caractère unique des monuments a longtemps monopolisé le créneau identitaire des espaces urbains, mais il est généralement reconnu aujourd’hui que les projets innovants (innovating design) et l’héritage bâti continuent également à l’image de la ville et à son identité. « La conservation de l’héritage bâti est une des plus grandes considérations dans la préservation de l’identité urbaine » (traduction par l’auteur) (Kaymaz, 2013).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette position rejoint l’école de pensée typomorphologique italienne, pour qui tissu urbain et identité s’entremêlent de façon logique.  Les éléments matériels et immatériels sont indissociables, formant le canevas sur lequel se constitue l'identité. Larochelle & Iamandi (1999) résument : « Malgré les transformations auxquelles ils sont continuellement soumis, les paysages culturels peuvent conserver à travers le changement des caractères permanents, voire une identité reconnaissable. Le défi majeur de lʼaménagement urbain et territorial consiste précisément dans la conciliation des transformations nécessaires du cadre bâti avec la sauvegarde de lʼidentité des lieux. » (P. Larochelle, C. Iamandi, 1999) Cette identité est entre autres associée aux façons d’aménager et de vivre - les habitus de Pierre Bourdieu, spécifiques à une aire culturelle donnée. Ces pratiques culturelles, les façons de bâtir, d’occuper et de vivre l’espace - produits d’une conscience spontanée (donc partagée) - constituent une composante non négligeable de l’identité collective.
 

Par les auteurs (2015)

Notre synthèse - outils pour évaluer la transformation identitaire

C’est donc dans ses composantes naturelles et humaines, matérielles et immatérielles, uniques et partagées, que l’identité se retrouve.

 

Notre compréhension du cadre théorique exposé retient les constats suivants :

L’identité regroupe des attributs immuables et stables dans le temps ;

C’est un également un processus en perpétuelle construction qui peut être altéré ;

L’identité se construit autour d’un schéma d’inter-influence

 

Nous comprenons que les ancrages spatiaux de l’identité se déclinent en échelles diverses, s’influençant mutuellement :

À l’échelle du territoire ;

De l’espace parcouru ; 

De l’espace vécu

 

Notre méthode d’analyse prend en compte ces constats, tente de catégoriser les éléments identitaires de Kiruna et considère les transformations qui découleront du projet urbain étudié.

 

« Il est bien de protéger les paysages. Il est encore mieux d’en créer » - Malraux

Cadre théorique

La tour de l'horloge de l'hôtel de ville de Kiruna en fer forgé, est un symbole important pour les habitants.

jarnvag.net

«S’identifier c’est ainsi établir un bilan quasi permanent de ses liens sociaux et spatiaux, de ses appartenances ; c’est une quête constante de la cohérence de soi. » (Di Méo, 2008)

 

S’identifier est une action qui combine la différenciation et l’assimilation de ce qui l’entoure ; elle résulte d’une tension constante, d’un équilibre entre continuité et renouvellement. Elle est « un effort constant et volontaire du sujet pour gérer sa propre continuité […] dans une figure de changement perpétuel ». (Di Méo, 2008)

 

 

 

MATÉRIEL
UNIQUE
IMMATÉRIEL
PARTAGÉ

 1   Monument aux mineurs        

 2   Église de Kiruna

 3   Coupole aérospatiale

 4   Kirunavaara

 5   Lagopède des neiges

 6   Maison ''Bläckhorn''

 7   Tour de l'horloge

 8   Rue de Kiruna       

 9   Paysage arctique

10  Motoneige

11  Ski de fond

12  Hôtel de glace

13  Train 

14  Minerai de fer

15 Renne          

16 Aurore boréale

17 Tissu urbain dense         

18 Construction en bois

19 Extraction du fer

20 Neige

21 Climat nordique

MOSAÏQUE IDENTITAIRE DE KIRUNA

Par les auteurs (2015)

SYNTHÈSE DU CADRE THÉORIQUE

Par les auteurs (2015)

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